Le hasard (à moins qu’il ne s’agisse de caprice ?) d’une sente conduit parfois à longer les LGV, ces fables post-modernes névrotiques qui nous ramènent sans coup férir à notre condition assumée d’escargots-tortues.
Il est alors une bien savoureuse sensation que de marcher à contre-courant des grands fauves rutilants qui nous forcent à baisser – voire détourner – la tête à leur passage. Quand on les voit arriver, au loin d’une portion de ligne droite, on a l’impression, perspective déformant, qu’ils vont nous crucifier d’une seule bouchée sauvage au point d’impact… Alors qu’à cet instant, plus court que toutes les extases, je ressens plutôt le vertige d’Icare, comme soulevé de terre, respiration retenue, en suspension dans une force éolienne déchainée de tous les boucans qui me redéposent dans un silence absolu…. Autre plaisir que celui de cheminer dans le sens du train et de sentir alors soudainement ce mugissement progresser à l’assaut de nos oreilles pendant que nous nous efforçons de ne pas se retourner et de jouir de cet instant précis où le museau profilé dévore notre direction… et notre équilibre !
Mais quelle immense satisfaction tendre que débouler d’une sente aux abords d’une LGV et d’y voir un de ses monstres immobilisé, en attente, bloqué, vrillé ! Et alors-là, oui je vais circuler plus vite qu’un TGV sans presser le pas, calmement, avec un petit sourire bien calé dans la lèvre !